RADIO SHIPIBO : Revitaliser une langue, mobiliser une nation et servir d’outil de gouvernance territoriale pour le peuple Shipibo-Konibo-Xetebo en Amazonie péruvienne
Les Shipibo-Konibo-Xetebo sont un peuple autochtone de l’Amazonie péruvienne, dont la population est estimée à 35 000 personnes. Ses 144 communautés sont réparties dans les zones situées le long de la rivière Ucayali et de ses affluents (Pisqui, Callería, Aguaytía, Pachitea) et sur les rives des lacs Imiria et Yarina, de l’embouchure des terres blanches de la province d’Ucayali à l’embouchure de la rivière Cuenca dans la province actuelle d’Atalaya à travers les frontières des régions de Loreto, Ucayali et Huánuco. Les Shipibo vivent également à la frontière avec la Bolivie et le Brésil dans le département de Madre de Dios.
Coshikox, le conseil élu représentant la nation Shipibo-Konibo-Xetebo, se consacre à la réalisation de l’autonomie gouvernementale du territoire intégral ancien de Shipibo. Selon la conception de Coshicox, la gouvernance autonome n’est pas une idée juridique fondée sur la propriété et les droits individuels, mais une extension et une adaptation à l’échelle territoriale du rapport entre les Shipibo et la nature. Le pouvoir réprimé des exclus et leur capacité réduite à représenter leur territoire ont fini par produire de nouveaux concepts qui remettent en question et décolonisent la réalité. « Être Shipibo » signifie être en relation avec une notion d’identité large et changeante qui inclut des origines mélangées, des communautés déplacées et des vies urbaines dans toutes les principales villes du Pérou et d’autres pays du monde. Cette identité autochtone est guidée par la pratique plutôt que par la tradition ou l’ethnie. Si «culture» est ce qui garantit la coopération empathique entre individus dans un contexte particulier, la culture Shipibo de la région amazonienne est imprégnée des valeurs d’appartenance, de beauté, de sagesse environnementale et de justice.
L’une des principales responsabilités de Coshikox consiste à promouvoir l’union, la communication et le rapprochement de la nation shipibo. Radio Shipibo constitue une solution à la situation dispersée des peuples. Il s’agit d’un programme de radio communautaire qui constitue un pilier stratégique permettant d’incorporer même les personnes et les communautés les plus isolées dans un réseau de collaboration et d’échange Shipibo, renforçant ainsi la capacité de chacun à se mobiliser ensemble, en tant que nation. Ronald Suarez, président de COSHIKOX, a déclaré : «Par la radio, nous partageons des informations sur les événements sociaux et politiques de notre pays. Nous promouvons l’utilisation de notre langue. Nous envoyons des avertissements et des instructions contre les menaces territoriales et environnementales pouvant affecter le bien-être de notre pays. Nous partageons des informations sur nos accords et célébrations. C’est à cause de Radio Shipibo qu’en 2018, 10 000 frères Shipibo sont arrivés à Pucallpa pour la Marche indigène! ». Dans cette optique, Radio Shipibo est un outil de gouvernance territoriale.
Générer consensus et soutien mutuel au sein d’une population affectée et fragmentée au cours des siècles est un processus qui nécessite empathie, continuité et courage. «Notre programme de radio communautaire est un pilier de la stratégie d’exercice de la souveraineté en matière territoriale, économique et environnementale. Le fondement de tout est la manière culturelle de regarder le monde. Nous n’avons pas peur du « progrès » et nous attendons avec impatience notre identité autochtone de l’avenir. Nous allons cultiver notre autonomie grâce aux nouvelles technologies, nous allons revitaliser nos connaissances ancestrales et les utiliser pour gérer judicieusement notre territoire et nos ressources naturelles. ”
La subvention de la Fondation PKF soutiendra une année de programmation radio (2 heures par mois) mais aussi, pour commencer, quatre ateliers consacrés aux communicateurs de Radio Shipibo. Le premier traitera du thème et de la pratique de l’autonomie et consolidera les connaissances et le langage nécessaires pour communiquer les objectifs de Coshicox. Il se déroulera en collaboration avec la Amazon School of Human Rights. Le second traitera des processus historiques qui ont permis l’occupation des territoires autochtones et de leurs conséquences, ainsi que de la présence de sociétés extractives. Il traitera du sens et de l’influence de la mondialisation et des conflits qu’elle a causés, ainsi que des politiques des États, de l’interculturalité et des luttes des peuples autochtones pour la défense de leurs territoires. Le troisième atelier offrira un aperçu des droits territoriaux, humains et écologiques des Shipibo du point de vue du droit coutumier et des autres systèmes juridiques. Et le quatrième sera une formation pour les jeunes qui souhaitent devenir volontaires pour Radio Shipibo. Il leur fera connaître la mission Coshicox et les technologies nécessaires pour produire un programme radiophonique. Il est intéressant de noter qu’une ligne téléphonique directe sera mise à disposition dans le cadre du programme radiophonique afin que les auditeurs puissent communiquer directement en ligne pour des annonces publiques, ainsi que pour partager expériences et apprentissage. Cela sera particulièrement utile pour partager des informations sur les contrats avec des entreprises d’exploitation forestière, celles-ci pouvant tenter de tirer parti des plans de gestion des forêts communautaires pour commettre des crimes forestiers.
Parmi leurs nombreux avantages, les programmes de Radio Shipibo encourageront l’usage de la langue shipibo et le rapprochement d’un peuple dispersé avec son héritage culturel commun. La radio diffusera de la musique, des histoires et des connaissances qui mettent en valeur la vision du monde Shipibo-Konibo-Xetebo.