LIHE : aider les communautés à s’auto-gouverner de façon active au Yunnan (Chine)
Depuis plus de dix ans, l’Institut de la santé et de l’environnement de Lijiang (LIHE) se consacre au soutien de l’autonomie et du développement endogène des communautés ethniques minoritaires de la région du mont Laojunshan, dans le site du patrimoine mondial des trois fleuves parallèles du Yunnan (Chine). Leur expérience démontre qu’une vision et une approche de travail judicieuses peuvent appuyer l’auto-développement des communautés locales. Elle montre également que des communautés autonomes et responsabilisées réussissent à conserver leur environnement et à améliorer leurs propres moyens de subsistance même dans un contexte globalement défavorable, où la prise de décision du haut vers le bas et le pouvoir de l’argent semblent dominants.
Dans la région exceptionnellement vaste du Mont Laojunshan, le LIHE est actif sur environ 1000 kilomètres carrés, desservant 127 communautés qui comptent environ 5000 personnes. Au cours des dix dernières années, il a aidé 49 de ces communautés à établir leurs aires de conservation communautaire – où les codes et règlements de leurs villages doivent être respectés sur un total de 18 308 hectares. L’approche de LIHE a consisté à aider les communautés à améliorer leur conscience de soi et leur capacité d’autogestion des ressources communautaires. Cela a permis de promouvoir un changement vraiment radical : d’une approche passive, reposant sur une administration autoritaire, à une autonomie active. Aujourd’hui, les communautés expérimentées gèrent de manière durable les forêts dans lesquelles elles vivent et les ressources forestières non ligneuses qu’elles produisent. Elles ont également appris à gérer les déchets, à construire des routes, à détourner l’eau et à accomplir d’autres tâches essentielles pour les aspects écologiques, économiques, culturels et sociaux de leur propre ‘développement’.
Le point d’entrée par lequel LIHE a renforcé la conscience de soi, l’autonomie et la capacité de développement des communautés a été l’aide qu’elle a fournie pour établir des fonds mutuels communautaires, qui suivent cinq principes convenus. Premièrement, chaque ménage a une possibilité égale et entièrement volontaire de participer au fonds et d’emprunter des ressources. Deuxièmement, LIHE peut apporter son soutien en cofinançant des initiatives, mais les ressources de la communauté doivent toujours être la source la plus importante du budget, afin que sa voix reste décisive. Troisièmement, seul un tiers des ménages peut obtenir un prêt à chaque cycle de prêt. Quatrièmement, la communauté gère directement le prêt : les ménages peuvent alternativement enquêter et gérer, ou recevoir, les prêts. Cinquièmement, chaque ménage qui emprunte des ressources doit respecter ses obligations ou payer une compensation punitive.
L’approche de LIHE se concentre sur le soutien aux discussions de la communauté et sur l’élaboration des règlements par le biais de mécanismes démocratiques. Jusqu’à présent, 27 communautés ont créé leurs fonds communs de placement, desservant 635 ménages. Cela a permis de leur apporter un soutien économique pour améliorer leurs moyens de subsistance, mais aussi de renforcer les liens entre les membres des communautés. Le jour du remboursement annuel et de la réémission des prêts est devenu une fête rituelle pour les communautés, ce qui facilite effectivement leur cohésion et leur vitalité internes, ainsi que l’apprentissage, la sagesse et la solidarité collectifs.
Le fonds mutuel communautaire est un excellent point d’entrée. Après s’être mis d’accord sur les règles du fonds mutuel, les membres de la communauté peuvent s’appuyer sur leur expérience pour faire revivre le code et la réglementation de leur village en matière de conservation de la nature. Le fait même de démontrer que l’autogestion des ressources financières est possible favorise l’émergence de capacités cachées d’autogestion dans tous les autres aspects de la vie communautaire… comme la gestion des biens communs naturels. Cela permet également d’amener à la conscience collective une variété de préoccupations communes et de moyens ingénieux pour relier les personnes qui participent à la vie de la communauté. Par exemple, en 2010, la communauté de Xinfang a décidé de relier directement son fonds commun de placement à la conservation de la nature. Tous les ménages ont décidé d’interdire l’abattage d’arbres dans la forêt et ont prescrit que tout contrevenant soit « retiré » du fonds commun de placement. Ce fut le premier code de village qui incluait clairement des règlements pour la conservation de la nature dans la ville de Lijiang, au Yunnan !
Aujourd’hui, 49 communautés ont volontairement établi leurs aires de conservation communautaire en formant leurs codes et règlements de village. L’autogestion communautaire des forêts conservées évite leur surexploitation, tandis que la capacité d’autogestion est progressivement appliquée pour résoudre ou atténuer d’autres problèmes, tels que la pénurie d’eau, l’érosion des sols ou le risque de glissements de terrain. Les espèces de poissons indigènes menacées ont été récupérées et sont désormais élevées dans une rivière soumise à des règles de conservation. Grâce à leurs aires de conservation communautaire, les villageois ont pu « bénéficier de la conservation et conserver pour des bénéfices », tout en ancrant et en renforçant la solidarité de leur communauté.
Parallèlement à ce qui précède, LIHE a également aidé les communautés à revitaliser leurs traditions et leur culture. Par exemple, les personnes âgées de la communauté ont été encouragées à enseigner aux jeunes les connaissances et les compétences du filage et du tissage traditionnels, ainsi que la musique, le chant et la danse traditionnels. Enfin, les communautés ont été aidées à explorer, et améliorent actuellement, de nouvelles options pour des moyens de subsistance durables. Citons par exemple l’agriculture traditionnelle et les plantes médicinales, ou encore l’élevage d’abeilles pour le miel, qui peut remplacer la culture du tabac, écologiquement négative. Le cœur du travail de LIHE est le respect de l’autodétermination des communautés, de leur sagesse, de leur savoir traditionnel et de leur pouvoir endogène d’inspiration pour leur développement. Ce n’est que sur cette base que des relations plus harmonieuses entre l’homme et la nature ont également été promues.
Il ne fait aucun doute que l’autogestion communautaire et la gestion collective des biens communs naturels sont confrontées à d’énormes défis en raison de la ‘modernisation’. Pourtant, l’approche consistant à renforcer la conscience de soi de la communauté, à promouvoir l’émergence de son autogouvernance et à raviver les valeurs et principes culturels locaux s’est révélée à la hauteur de ces défis. Le travail de LIHE est une source d’inspiration, un moteur de solidarité communautaire et d’action collective – un modèle à suivre pour beaucoup d’autres.
Download The Peer Review Report for the Liguang Community Conserved Area (CCA) – PDF, English