En travaillant en autodétermination et solidarité mutuelle, quatre villages de la région de l’Ogooué-Ivindo, au nord‐est du Gabon, documentent, gèrent et défendent leurs territoires de vie
Près de la ville de Makokou, la capitale de la province de l’Ogooué-Ivindo an nord-est du Gabon, se trouvent vingt villages habités majoritairement par les ethnies Fang et Kota et distribués tout le long des routes nationales. Ces villages ont été regroupés par la force— à l’origine par l’administration coloniale française mais plus récemment aussi par l’administration gabonaise. Les villages se trouvaient à l’origine aux bords des cours d’eaux et ils avaient leurs autorités et leurs systèmes traditionnels de gouvernance et gestion des ressources naturelles. Cette ‘autodétermination’ a été la cible des administrations successives, qui n’ont pas hésité à combattre et supprimer tout ce qui était d’origine coutumière.
Dans les derniers années, quatre de ces vingt villages— Ebessi, Ebyeng-Edzua, Latta, et Massaha— se sont portés volontaires en tant que leaders d’un processus auto-déterminé de relancement de la ‘gestion communautaire de la chasse’. Ceci n’a été qu’une de plusieurs voies qui ont cherché à rétablir la connexion entre les villages et leurs terre coutumières, promouvoir l’utilisation saine des dons de la nature, et prévenir l’extraction non durable des ressources par les étrangers (forestières, orpailleurs, chasseurs urbains, etc.).
Par cette initiative appuyée par la Fondation Paul K. Feyerabend, l’organisation gabonaise NADA va aider ces même quatre villages à documenter, gérer, et défendre leurs territoires de vie tout en créant des liens de solidarité entre eux à travers l’échange d’expériences et l’apprentissage mutuel. Aux seins des quatre communautés, NADA organisera plusieurs ateliers. Les premiers renseigneront sur la réalité des ‘territoires de vie’ à travers le monde et aideront les résidents de quatre villages à tirer inspiration du travail d’autres communautés qui documentent, gèrent et défendent leurs territoires de vie. Les résidents des quatre villages pourront ensuite réfléchir ensemble sur leurs propres opportunités et leurs propres défis dans le contexte national gabonais et régional en Ogooué-Ivindo. Enfin, chaque communauté planifiera un projet spécifique de documentation et/ou gestion et/ou défense de son territoire de vie— avec budget, indicateurs et plan de suivi. NADA pense que le fait que les communautés puissent gérer directement les fonds des initiatives qu’ils auront-elles mêmes planifiées soit une étape clé de décolonisation des activités de développement et de conservation. Elle croit que cela boostera aussi leur solidarité interne, car les décisions viendront des communautés mêmes et devront être planifiés ensemble et menées à bien par la communauté entière.
Ça va sans dire que les actions spécifiques changeront de village en village en fonction de leurs réalités. Elles pourront inclure la délimitation des territoires de vie ; la documentation et valorisation de la culture villageoise et en particulier des sites importants comme les zones sacrées ; la mise en marche de patrouilles communautaires pour mieux apprendre et défendre les territoires de vie ; la gestion active de quelques ressources naturelles clés ; la sensibilisation des autorités et des villages voisins à la volonté locale de prise en main de la gouvernance et la gestion des territoires; etc. Autant important que les résultats des initiatives sera le processus par lequel chaque communauté deviendra auto consciente de ses propres capacités de gouvernance et de gestion mais aussi de ses ‘droits’ et ‘responsabilités’ collectives vis à-vis son territoire de vie.
Une fois les initiatives menées à bien, chaque communauté recevra la visite des habitants des autres villages pour raconter son expérience, échanger avec les autres et tirer tous ensemble des leçons— une étape clé pour l’apprentissage inter communautaire. Ces visites seront suivies par un atelier général à Makokou, ou NADA facilitera la planification participative au-delà des quatre initiatives et mettra l’accent sur les bénéfices de la solidarité mutuelle intracommunautaire, mais aussi intercommunautaire, possiblement pour s’ouvrir aux autres communautés de l’Ogooué-Ivindo. NADA croit que cette initiative d’autodétermination et de solidarité ouvrira la voie aux communautaire désireuses de gouverner leurs territoires de vie au Gabon— un fait qui pourrait bien marquer un nouvel horizon pour le pays.