Renforcer la communication et la solidarité entre les communautés Matsigenka afin qu’elles puissent orienter les politiques et les pratiques de conservation et de développement dans le parc national de Manu (Pérou) en fonction de leurs propres valeurs culturelles
La nation Matsigenka a été créée en décembre 2023 par sept communautés autochtones du peuple Matsigenka, dont quatre se trouvent à l’intérieur du parc national du Manu, l’un des points chauds de la biodiversité les plus importants au monde, et les trois autres sont adjacentes à ce parc. Le territoire ancestral de la nation est situé dans les contreforts de la Cordillère des Andes, dans les zones de jungle haute et basse du bassin amazonien, dans les sous-bassins du Madre de Dios et de l’Urubamba. Ce territoire est occupé par la nation Matsigenka depuis au moins un millénaire, les archives historiques remontant à l’époque inca. L’occupation a été pacifique et durable parce que l’environnement naturel fait partie de leur être et n’est pas quelque chose de séparé et de transférable. La nation Matsigenka a subi l’agression coloniale des exploitants de caoutchouc et des agriculteurs migrants depuis la fin du XIXe siècle, mais elle a toujours géré son territoire collectivement, sans structures politiques imposées d’en haut.
En 1973, sans reconnaître qu’il s’agissait d’un territoire Matsigenka, le gouvernement péruvien a créé le parc national de Manu (PNM), qui chevauche le territoire, à des fins de conservation de la biodiversité. Depuis plus de 50 ans, la nation Matsigenka soutient les efforts de conservation de la biodiversité déployés par l’entité publique qui gère le PNM. Elle a souligné ses points communs et ses désaccords avec les politiques du PNM, tout en partageant un désir mutuel de conserver le territoire. Bien qu’il soit apprécié que le PNM protège leur ancien territoire de vie des incursions des industries extractives, des colons et d’autres menaces, il y a des désaccords sur les mesures de conservation extrêmes et inutiles, telles que les restrictions sur les activités de développement des communautés Matsigenka en harmonie avec leur territoire ancestral.
La nation Matsigenka est désormais organisée pour défendre de manière plus proactive et coordonnée les politiques de gouvernance de son territoire ancestral et ne pas se soumettre sans réagir aux décisions des autorités nationales, régionales et municipales. Pour ce faire, elle bénéficie du soutien de la Fédération indigène du fleuve Madre de Dios et de ses affluents (FENAMAD) et a accepté de renforcer la communication entre ses communautés, notamment au moyen de visites trimestrielles destinées à coordonner les activités et les priorités politiques à gérer. Actuellement, les radios de la FENAMAD, du PNM et d’autres organisations de conservation dans le PNM sont souvent indisponibles et la meilleure alternative est l’internet par satellite. Les déplacements entre les sept communautés Matsigenka sont également très difficiles, car les communautés sont situées à plusieurs jours de rivière les unes des autres, dans une région où le carburant est extrêmement cher.
Le soutien de la Fondation Paul K. Feyerabend est destiné à l’achat, à l’installation et à l’exploitation pendant deux ans de deux équipements Internet par satellite Starlink dans les deux plus grandes communautés Matsigenka, Yomibato et Tayakome, et à couvrir les frais de carburant pour les visites de coordination entre les sept communautés. La FENAMAD cofinancera l’initiative en couvrant pendant deux ans les coûts des visites trimestrielles entre les sept communautés pour prioriser, coordonner et mettre en œuvre des interventions de gestion du territoire de vie ancestrale et les coûts de formalisation juridique de la Nation Matsigenka afin qu’elle acquière un statut légal. La nation Matsigenka se consolidera ainsi en tant que peuple autochtone avec son territoire ancestral conservé selon ses propres critères de gouvernance, renforçant les liens de solidarité au sein de ses communautés et entre elles. Cette démarche sera en harmonie avec les politiques nationales de conservation et de développement durable… mais aussi guidée par des valeurs culturelles propres.
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